Le 14 juillet 2016, à Nice,
à 22h33, 34, 35
que pensez-vous
que fit l’ennemi ?
(sinon le fou ?)
Il joua son rôle.
D'ennemi.
(sinon de fou.)
Le badaud, joua le sien
Fuyant, beuglant
Roulant-boulant
Sautant, sauvant
Parant, écoutant
pillant
filmant.
Et le policier, tirant,
le secouriste, secourant
le pompier courant, jaugeant,
étiquetant UA
le Samu
cherchant les cas intermédiaires
L'agent presse, informant son prochain
dans l'abnégation de mise
de la passion et de l'ego.
Sirènes et gyrophares
dans leur rôle pratique
et d’atmosphère.
La mer, bien sûr,
dans le sien d'onde fraîche,
toujours recommencé,
roulant le galet
en 2016 comme en l'an 40
et depuis le Pliocène.
L’été, seul,
sembla défaillant :
glacial et venteux
Pas d’explication.
Au marché Libé
des gens prétendent
qu’il annonçait la mort.
Au Pôle tourisme
on le somma
de garantir la saison.
Le soleil fut rappelé
le surlendemain
l'on put pleurer
en maillot de bain
au restaurant Beach-Ben.
Quant à nous, cœur de cible :
lyriques
sopranos, barytons, chœurs
Catastrophe !
Panique, incertitude,
Larmes
Téléphone
Confusion, clameurs,
Amputations
Larmes
Téléphone
Cigarettes au commissariat,
Catalogues :
prothèses fascicule A
pompes funèbres fascicule B
section nourrissons, ados
Pitié, Procureur de la République,
je lèche tes semelles,
laisse-moi revoir ma chair !
Menaces
Larmes
Fureur
Téléphone
Pas mourir de fatigue
pas tuer de fonctionnaire
Téléphone
Larmes
Trouver un trou
Assez grand pour tout le monde :
On se rejoint bientôt,
Señorita, dépêche-nous.
Les proches, étincelants.
Sur eux le salut et la paix.
Six mille kilos de nourriture
à la poubelle.
La gent de pouvoir,
pardi,
son antienne
de bien avant les déluges
C’est pas nous
Nous on avait tout
Tout si bien fait
ô-gué, ô-gué,
Mais misère
L'autre ministère
Qué bras cassés !
ô-gué-ô-gué.
Profil bas ?
Eux, devraient,
mais nous pas,
Chez nous on fait pas ça.
Rassurez-vous
Vous restez protégés
On se rassura
on réélut à la pelle.
On se renomma entre soi
On se promut
s'encensa
se décora
Ça passa crème – parole de la Señorita.
Le millefeuille de crise
crème épaisse de cellules,
guichets, accueils,
groupes de parole,
assistants sociaux, psychologues et chiatres
mesureurs de tristesses
étalonneurs de traumas
désignation de référents
Caf, Rsi, Polemploi,
Mav, fenvac, afvt
Inavem, conCLAVe
Montjoye !
Que trépasse si je faiblis !
Les médecines :
L'hospitalière, au pas de course.
Prise de court ? "que non !"
déclara son administration
au journal du Matin
(qui jamais ne révéla
où étaient ce radiologue
et les cathéters de 6.)
La scientifique,
affairée à ses collectes et rapports,
La légale, nous en parlerons plus tard
(Teasing :
Ateliers très particuliers
découpage en quatorze morceaux
d'enfants morts pour la France
Réfrigérations clandestines
d'organes citoyens
cœurs, encéphales
fraise et amourette
CHUT ! pas dire aux familles !
Il fallut bien leur rendre quelque chose :
attaché à ses bondieuseries,
le Béotien réclama des obsèques !
Niais ! À l’époque du scanner et de l’ADN !
se gaussa le légiste –
mieux que personne
lui sait ce que c'est
l'Homme.
L'on garda les morceaux de choix
« pour-les-besoins-de-l’enquête »,
L'on les détient encore et...
Ça passe crème ! – Parole de la Señorita
(Ça se fait, dans la légale, askip)
On va enfin comprendre !
Avènement du divin procès !
Merci de nous en faire don,
Ô Justice de France !
Et aux Assises, mazette, spéciales !
A l’antiterroriste – au PNAT !
PNAT ! PNAT !
Ah ! Qu'il fait bon
crier cet acronyme
onomatopée d'alarme-intrusion
au guidon d'une Guzzi 850
Ô Justice de Paris,
Quel rôle pour toi
dans la Tragédie ?
Te voici marchant aveugle sur Nice
(Très imagé.
Concrètement,
Nice fera le voyage :
c'est pour son bien.)
brandissant le glaive et la balance
par dessus les têtes
de tes enfants agenouillés.
Ô Justice !
Toi que de dévots gardiens zélés
issus de notre vivier national
de grands Sages réalisés
surent garder droite au fil des siècles,
– et combien leurs pieds
pourtant vacillèrent
sur tes plateaux versatiles
dont le socle déjà flottait
sur l'océan capricieux
de la démocratie représentative.
Ô Justice !
toi qui sans mollir jamais,
écartela Ravaillac
pendit Gilles de Rais,
et ne courba jamais la nuque
que pour boire aux pis gras et omniscients
des Experts auprès tes Cours
Te voici pour nous !
Te voici, Bonne Mère
salutaire et magnanime
tes robes bruissent
glissant dans les corridors
frôlant la cire de tes parquets
Et lorsque solennelle,
tu parais dans les halls de marbre
de tes palais grandioses
un courant d'air
venu de derrière les colonnes
fait flotter tes épitoges.
BOM ! Dossiers et Dalloz
jetés sur les pupitres !
Vibrez, frontons !
Résonnez, charpentes !
Tremblez, accusés !
Tremblez, parties civiles !
Tremblez, coupables, innocents
et non juristes de tous acabits :
le temps de la Justice est venu !
Je tremble, crois-le bien
et c'est genou plié
front à terre
que je te redemande,
Ô Justice
Dans cette affaire,
quel rôle pour toi ?
Qu'incarner, sans Monsieur
Mohamed Lahouaiej-Bouhlel ?
Sur lui le salut et la grâce –
– Oui vous avez bien lu
je sais votre étonnement
mais privé du contentement
d'être toisé à l'audience
par ce fier regard,
viril et belliqueux,
(si banal au demeurant
à l'entrée voie-rapide-Jean-Bouin)
et ne jouissant pas,
moi,
des prérogatives légales
pour arracher de mes propres mains
le cœur de qui bon me semble,
laissez-moi m’approprier ledit Lahouaiej-Bouhlel
comme il m'agrée.
Ô Tribunaux, Parquets,
magistrats, huissiers,
Procureurs, assesseurs,
Avocats (ghost ghosters !) de parties civiles
et avocats (ghost ghosters !) de défense,
Quelles promesses-client
pour nos morts ?
– Sur eux le salut et la grâce –
Hémisphère sud
Quartiers ouest
Pyrotechnophiles
Gélatomanes
Patriotes
Matrones à pissaladière,
à couscous, à ravitoto,
Texans Russes Ukrainiens
poussettes cannes
fauteuils roulants
enfants de Dieu d'Yahweh d'Allah
Crabes anémones étoiles
réunis tout à coup
dans une seule forme
épouvantable.
Quelle expérience utilisateur
pour les pauvres de nous ?
865 parties civiles
Famine in the box !
Aux accusés absents !
– ou de consolation –
Pas un seul petit morceau
d'Abdeslam ou de Lahouaiej !
"Justice, pourquoi ce procès ?
Quel est son sens ?
interrogent 865 bouches affamées
– Pourquoi ? Mais... Car je ne peux pas ne pas !
– Mais sans Momo Lahoua'Boul'... ?
– Ce sera plus simple.
– Qui décapitera-t-on alors ?
– Personne pour cette fois.
– Pas même à Nice ?
– La séance est levée.
– Des - têtes ! Des - têtes ! Des - têtes !
– Étêtez-vous les uns les autres,
comme vous faites depuis six ans :
cela convient à tous.
Ouste, à présent,
partie civile !
Tu reprendras la parole,
et cinq semaines durant !
– Pôvre de moi –
Voilà mes tribunaux devenus
lieux d'aisance psychiatrique !
Soit !
Contre mauvaise fortune
ferai bon coeur,
et à défaut de Justice à rendre
nourrirai l'Histoire et les archives
de vos expressions de victimes.
En v'là, Justice,
de l'expression de victime,
en v'là.
Procès du procès !
Campé dans la posture poétique
funambule salle des papas perdus
Autoproclamé juge de ton travail
Quand bien même ne peut-il être
par ton très saint référentiel,
que formellement juste.
Jurer, comme auteur,
de mener ma mission avec dignité
conscience, indépendance,
probité et humanité.
Tacher au gré des vers
de changer ce fiel
en mieux
en fuel qui sait.
Ne point devenir ma haine
ni noircir ma nuit.
Être attentif surtout
à ne point outrager
ni offenser
mais honorer toujours
mes frères et sœurs de la Prom'
même les plus godiches.
Dieu veuille, par ton doigt Señorita,
pointer le chemin qui m'en garde,
et me recommander
à la grâce et à l'effort.
Gel des griefs
Retarage des appareils
Dressé, actif, attendre
– un vrai poète saurait faire.
Pensées en vrac pour
tant de cancers, S, S, G, B
un jardinier, un cycliste,
une comptable, une artiste
des grands-parents
des pestes
crabes anémones étoiles...
TAIS-TOI : LA COUR !
Oui Señorita. Vive ce procès. Parole de toi.
Debout !
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