Monstres en poème,
ni fleurs ni oiseaux.
Si : fleurs.
Et oiseaux.
Ils volent sur les corps.
Ils volent sur ma mère.
Ils rigolent.
Les corps, blessés,
agonisant
morts :
pillés.
Pillages.
What did you expect ?
Et des enfants ont assisté à ça.
Une seule personne
n’en a jamais entendu parler :
la plus mal informée.
Qui sait si elle n'aurait pas pu
avec son matériel
nous en coincer deux ou trois ?
Fauché fut-il déjà
aussi opportun ?
Âmes fauchées.
Fauchés comme des épis de blé.
Fauchés des fêtes populaires.
Fauche dans les sacs.
En glanant
deux ou trois bons téléphones
un peu de cash
combien s’est on fait ?
Trois, quatre cents balles ?
Un Vuitton ? Bonne pioche !
L’iPhone IV de la Señorita
dut rapporter peu.
Il borna
puis s’éteignit
deux heures après elle.
Un malin
sur Leboncoin
revendit
des objets récupérés sur la Prom'
sans valeur
sinon pour leur côté collector.
Bagues, bracelets, drapeaux et lunettes
furent retrouvés à son domicile.
Qu’est-il devenu, ce drôle ?
On n’en eut plus de nouvelles.
On l’aurait bien vu
dans le box
parmi les connexes.
(Déjà,
comment choisir la revente
d’un téléphone trouvé aux toilettes
plutôt que la joie
de le rendre à la personne
accablée
qui l’avait perdu ?)
Déduisons :
quand nous sommes dans une foule
se trouvent
dans les trois cents mètres à la ronde
une flopée de personnes
– mâles à 99%, gageons –
à même,
en cas de déflagration
dont ils réchapperaient,
de bondir sur votre besace.
Si l’on considère
que dans ce même environnement
foisonnent
agresseurs sexuels
bourreaux de femmes
en tous genres
nous avons largement de quoi
décider d’aller nous réfugier
ailleurs que dans la vraie vie.
Peut-être bien
qu’on le fera.
L’on pilla aussi
les dignités
pour les besoins de la cause.
On filma.
La médecine légale
(ce fut débattu dans cette chronique
et dans ce procès)
pilla
les corps d’innocents
tombés pour la France,
s’emparant de 170 organes
dont l’enquête avait
massivement
besoin.
Des caméras cherchèrent
tous nos orifices.
Ceux qui parlent avec les morts
nous écrivirent par dizaines
que de là-haut
on les pressait
de nous transmettre un message.
Partis et fédérations
voulurent planter leurs bannières
dans nos potagers de misère.
Peut-on classer ces pillages
du plus vil au plus noble ?
S’il en est un à admettre,
de pillage,
c’est le premier,
celui qui
dès la préhistoire
nous fit inventer
la sépulture.
15 juillet 2016
le jour monta
indifférent
sur la Promenade des Anglais.
Le pillage le plus juste
commença.
Celui des corneilles,
des goélands.
Guêpes.
Mouches.
(Jadis, il y aurait eu aussi
des crabes verts.
Gypaètes barbus ?)
La nature reprend
par lambeaux
fils sanglants
ce qui est à elle, de droit.
C’est elle la plus pressée
de restituer les dignités
à ses enfants.
Elle veut empêcher
le Parquet
les légistes
le grand soleil de midi
de faire leur œuvre.
Immédiatement.
Dans la seconde qui suit la mort
son travail commence :
reconduire la forme
vers la poussière.
Si jadis
l’on crut impurs
les corps des morts,
peut-être se demandait-on
quel sortilège leur arrivait
pour qu’ils se transforment ainsi
si vite
par l’œuvre
de tant d’animaux
spécialisés.
D’un point de vue purement biologique
prendre aux goélands
pour donner à la vermine souterraine
revient au même.
Mais pour nous autres
tristes vivants
il est mieux que ces choses-là
adviennent sous terre
dans la pudeur du noir.
En Inde, les Saints
affranchis du samsāra
sont jetés aux poissons
du holy Gange
ou inhumés
en pleine terre.
Les Zooastristes
donnent leurs défunts
en offrande aux vautours
lesquels ne volent
que dans les cieux.
Inhumation céleste.
Elle a le droit
la nature
de piller les morts.
Faut-il dès lors
considérer les pilleurs de la Prom'
comme des charognards biologiques
– vers, mouches, hyènes –
avec le respect
qui leur est dû ?
Sont-ils tout simplement
des entités vivantes
non humaines ?
Ou bien sont-ils
au contraire
exactement humains ?
Cette chronique est dédiée
avec amour
à la dépouille la plus pillée en France
au mois d’octobre 2022.
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