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DANS SON PRÉSENT ÉMERVEILLANT

  • Photo du rédacteur: Thierry Vimal
    Thierry Vimal
  • 3 oct. 2022
  • 2 min de lecture

Dernière mise à jour : 5 oct. 2022


Parmi les badgés partie civile

nous sommes sans doute peu

à avoir revu

un feu d’artifice.


C’était en juillet,

un juillet où il faisait beau

mais pas un 14.

2019, peut-être.

Sur les berges de la Gartempe

(qui, nourrie de l’Anglin,

rejoint l’océan

via la Creuse, la Vienne,

et la Loire).


J’étais avec des amis

de bienfaisante présence.

À la fête de Vicq,

il y avait de quoi être heureux

– jugez :

merguez

andouillette

frites en barquettes

moutarde ou ketchup ?

bière en gobelets

– médiocre, sinon va boire à Passy –

concours de boules

Sous-préfet sous-préfette et jours de fête

ça sent l’anisette

oui ça sent l’anisette.


Tout à coup, l’un lance :

« Gagnons les rives de la Gartempe,

car il est l’heure du feu d’artifice ! »

Je marche à la traîne.

Mes ongles décollent les coins

de leurs semblables :

un bon panaris

résout tous les soucis.


Comment me manifester

discrètement ?

Ne pas anéantir

la belle ambiance.


Tentons :

« Euh, moi…

je ne vais pas venir avec vous. »

Certains demandent pourquoi,

d’autres ont déjà compris.

« Je ne suis pas très feux d’artifice »

dis-je,

pour ne laisser personne

dans le flou.


Pauvres amis

double détresse sur les visages :

La honte

de n'y avoir pas pensé

L’effroi

de me voir en situation.


C’est normal, amis.

Je n’attendais pas

que l’un de vous y pense.


Il n’est pas demandé

à un Viennois

de se souvenir de l’attentat

maralpin

aux seuls mots

feu d’artifice.


Bien sûr, à l’unisson :

" Nous n'irons pas,

évidemment !

Prenons les voitures

allons ailleurs

faire autre chose !"


Comme ce sont gens

de la meilleure compagnie qui soit,

tout à coup, révélation :

« Savez-vous quoi,

amis de mon cœur ?

C’est aussi bien accompagné,

par vous,

par le miracle de ce qui nous unit,

que je vais revoir

un feu d’artifice. »


Sous les étoiles factices

il me fallut

ignorer

comme la Señorita avait ignoré

que c'était la fin,

qu'après

viendraient

l’horreur

puis l’agonie.


Ainsi disposé,

sous ce feu d’artifice,

je réussis à voir

les fusées magnifiques

illuminant de rouge et de vert

le ciel fumeux

et partageai avec elle

enfin

purement

ce tout dernier moment de joie.


Je fus avec elle

dans son présent émerveillant.

Celui d'être pour la première fois

assise en copines

sans ses parents

sur les galets

s'imaginant rentrer ensuite

regarder une série

entre filles

jusque très tard dans la nuit.

Bonheur absolu

d’être enfin une ado

une vraie de vraie.


Et les badaboum paf

tonnant dans le ciel

comme autant de canons de midi

percutant les murs de pierre

des maisons du village

secouant les feuillages

nous firent, elle et moi, rieurs,

frissonner de peur et de plaisir

comme dans ces attractions réalistes

de Disneyland Paris

– où, à trois contre un, mes femmes

avaient un jour réussi

à me traîner.


Oh ! certes,

ces détonations

un instant parurent

comme une porte derrière laquelle

prêts à s'engouffrer,

tambourinaient

le réel et le malheur.


Mais, père, aimant,

je sus alors,

rassurant, protecteur,

n'y entendre que la chamade

du cœur embrasé de ma Señorita

le 14 juillet 2016

à l'heure du feu.


J’étais fort

de sa présence.


Plus que fort,

j’étais stable.

Et mes larmes

je le jure

étaient de joie.


Ces moments de grâce

soldent toutes vos peines

– un instant, mais pour toujours.

Ce doit être cela

que l’on nomme

"Bonne nouvelle".


Plus tard

il faut rentrer.

Monter dans les voitures.

M’installer passager.

Pour quitter le village

il faut traverser

le pont de la Gartempe.

Rouler au pas

dans la foule de piétons

éclairée de réverbères.

Ils marchent de chaque côté

du véhicule

devant, derrière,

dans un sens,

dans l’autre.


Les gens

rentrent

tranquillement.

Quel beau feu d’artifice.

Qui enlace son chéri.

Qui, passant son pull-over,

nous frôle le pare-brise.

L’un mange une glace

celui-là cherche un passage

pour sa poussette.

Lui boit de la bière en cannette,

– sûrement pas la première.

Attention à la vieille dame,

avec sa canne,

elle ne nous a pas vus.


Le moteur ronronne.

Vroum.

Le moment de grâce

est déjà loin.

6 Comments


Dominique Souton
Dominique Souton
Oct 04, 2022

ton écriture a pris une dimension magnifique, c'est impressionnant

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Guest
Oct 04, 2022

C'est tellement ça...

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Guest
Oct 04, 2022

Just incredible…👏

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Guest
Oct 03, 2022

Sublime comme toujours 🙏🙏

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Guest
Oct 03, 2022

Love


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