Il est assez malhonnête
de présenter ma chronique
ça passe crème
comme « tristement la seule »
du procès de notre attentat.
Il y en eut une autre,
ponctuelle et décriée.
Chère Alexandra Pizzagali
(Rassurez-vous :
certes nous faisons peur
mais ça va passer crème,
et finir bien,
je m’y engage.)
Chère Alexandra Pizzagali,
consœur chroniqueuse,
nous sommes peu
à avoir osé manipuler
cet objet immonde et incertain
qu’est l’attentat de Nice.
Ne prenez pas ombrage
de ce qui suit :
je vise plus large que vous.
Quelle idée aussi
d’aller vous mettre
en première ligne !
N’en prenez pas ombrage :
mes lecteurs sont peu nombreux
face à votre auditoire.
Dans les faits
rien ne sera changé.
Je n’ai pas de leçon d’humour
ni de chronique
à vous donner
et pourtant,
en toute complicité,
entre sacrés déconneurs
que nous sommes,
c’est ce que je m’en vais faire
légitimé par mon statut
plutôt que par ma carrière d'auteur.
En toute confraternité
je vais vous dire
pourquoi et comment
votre chronique, fut
en effet,
ratée.
Pour cela
penchons-nous sur chaque mot.
Quelqu’un a-t-il seulement
fait ce travail d'analyse ?
Ou bien chacun s’est-il comporté
comme tel parquet
analysant tel dispositif ?
Lecteur, ne va pas visionner par ailleurs.
Cette chronique,
la toute première
et la toute dernière
d’Alexandra Pizzagali
à Télématin,
est ici reprise,
en grande partie,
textuellement.
Elle commence par un problème de prompteur
qui, dit-on,
est à l’origine de l’interruption de la chronique.
J’y crois
plutôt qu'aux appels outrés
qui, pour le coup,
seraient allés très vite.
A la reprise d’antenne
le visage de la chroniqueuse,
Alexandra,
laisse croire en sa bonne foi.
Personne ne l’a engueulée,
elle est tout sourire,
et termine sa chronique
par les mots les plus chaleureux
qu’elle avait prévus.
Presque pas de doutes.
J’ai décidé chaque lundi d’élire le connard ou la connasse de la semaine et je me suis donné comme défi d’essayer de le ou la défendre du mieux que je peux. Aujourd’hui, lundi 5 septembre, à l’heure où s’ouvre le procès de l’attentat de Nice du 14 juillet 2016, vraiment on part là-dessus à 8 heures du matin, si si on va y aller ensemble, le connard de la semaine semble tout trouvé.
Oh, la riche promesse !
Nous l’attendions tellement !
Ma propre chronique, itou,
s’efforce de le dire,
à toute la France :
« si si, on va y aller ensemble »
et pas à l’heure qui vous arrange !
Allons-y, sœur Alexandra !
Donnons à toucher du doigt
à ce pays
ce qu’il ne veut pas voir en face,
chatouillons-lui les lâchetés
les contradictions
son atroce désintérêt
pour l’attentat du 14 juillet.
Et dès 8 heures du matin,
un lundi !
La plus noble des missions. !
Avec toi, à fond !
Alors j’ai choisi le terme connard, mais on peut tout à fait varier les plaisirs selon le degré de la bêtise commise, donc nous sommes ce matin sur un gros fils de TUUUUUUUUUUUUUT.
Pardonnez ma vulgarité, ça ne se reproduira plus, je vous le promets, alors restez avec nous, il serait de toute façon inutile de changer de chaîne : les Minikeums ne sont plus diffusés depuis 2002.
À ce stade,
nous sommes
bien dans les clous
de la bonne chronique culottée,
tendance.
On espère tout de même, déjà,
que ça va dézinguer plus fort.
Mohamed Lahouiej Bouhlel, aucun effort sur la prononciation de son nom, en a-t-il fait, lui, pour respecter le code de la route ? Je ne crois pas.
Les blagues sur le code de la route
et le camion
nous les avons déjà toutes faites
entre victimes.
Avec les profanes
nous n’osons pas trop :
ça dépend
de l’auditoire.
Et toi tu y vas ? Bravo !
Gonflé !
Pas assez marrant, hélas.
Nous aurions trouvé plus fin :
A-t-il fait des efforts, lui,
pour respecter
les barrières de sécurité ?
J’espère, Alexandra,
que vous avez compris la vanne
sinon
c’est que vous avez peu bossé
votre sujet.
Ou bien que vous ne pouvez pas vous permettre
d'aller jusque là.
Mais je suis là pour tenter de le défendre et je vais m’y employer. Déjà, ça commence mal, et je suis un petit peu embêtée car il ne sera pas là. Il n’assistera pas au procès, mais il a une excellente excuse, et là vous allez me dire quoi ? Son chien a mangé son cahier ? Non, il est mort. Le gars, pas le chien, d’ailleurs je sais même pas s’il avait un chien.
Là, nous sommes dans le pas bon,
ou alors je n’ai pas compris
l’histoire du chien.
Peut-être une private joke
avec la prod
sur le chien de la maquilleuse ?
Ou bien j’ai loupé une actu ?
(Paraît que ça se bat en Ukraine,
que des couronnes changent de tête,
je ne sais plus).
SI l’audace du propos
est juste de faire savoir qu’il est mort,
– ce qui pose la question
pertinente
de la pertinence du procès –
raccourcissez.
Que de temps d’antenne perdu
alors que l’insolence
dont Nice a tant besoin
reçoit si petite tribune.
Allez Alex, allez Alex, allez !
Et je me rends compte que le gars y va à fond, et en disant ça je me rends compte que le terme est extrêmement mal choisi.
J’ai beau relire les phrases
qui précèdent cette dernière,
et tout le paragraphe d’avant,
je ne trouve pas
à quoi se réfère
ce « le gars y va à fond. »
Avec toute la légitimité qui est la mienne
pour faire l’humour le plus inconvenant
sur l’attentat de Nice et son procès,
je n’aurai jamais dégainé le gars y va à fond
sans prendre la peine
d’introduire soigneusement la vanne
de manière qu’elle fût juste
justifiée
et drôle.
Ainsi l’auditoire
ressent le fruit d’un esprit
d’un travail
d’un propos
et c’est ainsi
qu’il se sent respecté.
Balancer direct
le gars y va à fond
sans nous dire où,
ni dans quoi,
c’est
une trouvaille
que vous ne prenez pas la peine
de transformer en vanne
par paresse d’écriture.
Vous pardonnent
ceux qui vous écoutent d’une oreille
en se brossant les dents
mais pas nous.
Savez-vous, amis ?
Alexandra
sait exactement ce que je veux dire.
Proposition d’emploi de la vanne
à fond :
remonter strophe 13.
J'ai compris au milieu de la nuit,
à fond : parce qu'il va jusqu'à mourir
pour ne pas aller au procès.
I got it.
Je ne biffe rien pour autant.
Délais de compréhension
over dépassés.
J'y vais à fond.
Mais enfin bon, moi qui suis la reine pour esquiver des rendez-vous auxquels je ne veux pas aller, je ne suis jamais allée jusqu’à mourir pour le faire. Je ne crois pas.
Et je m’en réjouis,
absolument sincèrement.
Et moi aussi,
j'aime souvent,
dans ma chronique,
raconter comme je suis chou.
Et un des journaux à l’époque avait dressé un portrait de lui, complété par l’enquête, alors je vous propose de faire un tour d’horizon du personnage, qui j’espère pourra m’aider [à le défendre]. Amateur de salsa et de musculation, pour l’instant excusez-moi mais ça ressemble beaucoup à mon homme idéal – il semblerait qu’on soit sur un portrait de petit Ricky Martin de la Côte d’Azur, on valide !
Ok, votre homme idéal
est donc un petit Ricky Martin de la Côte d’Azur.
Je n’ai aucune chance :
j’en suis un grand.
Sachez toutefois
que vos clichés sont indignes :
ces Ricky Martin
ne vivent pas davantage
sur la Côte d’Azur
qu’à Paris,
mais à Toulon,
Var.
Il était également un mari extrêmement violent, obsédé sexuel et zoophile. Bon, qui n’a jamais…
Bon, on va y aller point par point. Un mari extrêmement violent, elle l’avait peut-être cherché, aussi, en ratant une cuisson, ou en donnant son avis sur… en donnant son avis, en fait, tout simplement.
Il faut dénoncer
empêcher
les violences faites aux femmes
sans relâche
et de toutes les manières.
Les affaires ne manquent pas…
pourquoi choisir la nôtre
pour évoquer cette cause,
plutôt que de dénoncer
les meurtres d’enfants ?
Mais votre propos
n’est pas hors sujet :
il est même
très bienvenu.
Car oui, il était violent,
avec sa femme.
Il l'a même violée, dit-on,
avec un bâton.
Après tant de plaintes
il aurait dû être en prison
plutôt que sur la Prom.
Pourquoi n'avez vous pas dit,
trash acide :
Quel dommage
qu’il ne l’ait pas tapée plus fort
violée avec un plus gros bâton
ainsi peut-être la police
la Justice
enfin outrées
auraient fait en sorte
qu’il soit en prison
plutôt que sur la Prom’
?
Peut-être ne pouvez-vous pas vous permettre
d'aller jusque là ?
Un mari extrêmement violent, elle l’avait sans doute cherché, en ratant une cuisson, en donnant son avis…
bis
C'est exactement cela.
Et elle l'exaspérait,
tellement, tout le temps,
qu’elle devint
une cible trop petite
pour cette haine
c’est pourquoi
il s’en trouva une plus grosse.
C’est la réalité
de ce qui advint.
Vous étiez tout près
de la plaque.
Juste à côté.
Obsédé sexuel, chacun ses hobbies, y en a bien qui préfèrent regarder Télématin que Minikeums.
Plusieurs victimes le furent aussi.
Bon vieux temps.
Et zoophile, en même temps ça se comprend, à Nice y a que des vieilles avec des chihuahuas, on a le droit de préférer s’envoyer quelqu’un qui a des dents.
Déjà
vous oubliez que dans votre Nice
il y a aussi
les Ricky Martin.
Ensuite,
plutôt que de commenter cette vanne,
je propose la mienne :
En même temps, au Stade de France, y a que des beaufs. Et à Paris, en terrasse, des bobos friqués. Au Bataclan, des quadra en mal de rock’n’roll et des gosses de bourgeois qui jouent les racailles, on comprend que la vraie racaille de cité ait plus de chances de franchir les portes avec une arme qu’avec une carte de séjour, et une fois à l’intérieur, plus de chances de prendre du plaisir par sa kalach que par sa bite.
Auriez-vous pu
aller jusque là ?
La Prod aurait-elle laissé passer ?
Les victimes parisiennes sont gens fins,
pourtant.
Eux, comprennent l’humour trash.
Vous déclarâtes, récemment
Je n’insulte que le terroriste, jamais les victimes.
Question :
Ma fille, tombée le 14, serait-elle devenue
une pouf à Ricky Martin
ou bien une mémé édentée à chihuahua ?
Question stupide :
l’un n’empêche pas l’autre !
Gloire à Momo ! elle échappe à ce destin.
Certes,
vous n’insultez pas les gens à terre.
Juste ce qu’ils étaient encore,
debout,
à 22h32.
Et tout à coup
à 39,
ces mêmes gens devinrent
cools.
–c’est drôle, j’écris cette phrase à 22h39
dans l’avion –
Grand admirateur d’Oussama Ben Laden et Salam Abdeslam, qui, je le rappelle sont au terrorisme ce que Federer et Nadal sont au tennis. Supporter lambda, notre Momo, certes pas très original, mais passionné, engagé, on ne peut pas le lui enlever.
Là, vous mettez dans le mille !
Vous nous expliquez exactement
pourquoi
comment
vous et votre chronique
et beaucoup plus encore
sont dans l’échec
avec l’attentat de Nice.
Vous n’êtes pas cheffe de file
de ce naufrage,
que non.
L’attentat de Nice
embarrasse
d’abord pour sa dégueulasserie,
tout à fait remarquable,
puis
exactement comme vous dites,
pour l’amateurisme
dont il résulte.
Amateurisme
qui fait honte
à la France
tout autant qu’il a de quoi
la faire trembler.
C’est pourquoi
pas bancable.
C’est pourquoi
l’on nous snobe
l'on nous renvoie à nos Ricky Martin
et nos vieilles à chihuahua
avec la brutale célérité
d’un revers de Fédérer.
À bien y réfléchir,
chère Alexandra,
vous êtes l’une des seules
à avoir essayé.
Et de ça, au moins,
l’on devrait vous remercier.
Je passe sur vos derniers mots
l’alcool, la drogue
il faisait tout comme vous
eh bien : comme moi aussi.
Je crois absolument
en la sincérité
de votre conclusion
premier degré.
Vous vous adressez :
aux victimes, à leurs familles, à leurs proches, aux Niçois, on est avec vous corps et âme, on l’était en 2016, on le sera tout au long de ce procès, vous méritez d’être entendus.
(Même si quelque chose tout de même
– que je suis pointilleux ! –
dans ce "vous méritez"
me donne envie
de redéployer toute la démonstration.)
Après quelque temps de retraite
vous revîntes donc
formuler vos excuses :
– dans le Parisien
choix cocasse –
votre texte était
maladroit.
Non, il était paresseux,
poltron,
mauvais.
Cela arrive
à tous les auteurs.
Visiblement
Nice
grossière ville qu’elle est
ne méritait pas l'effort
d'un doux et punchy cocktail
d’humour, douceur,
finesse,
courageusement provocateur
politiquement incorrect.
Certes, nous ne tirons pas du même endroit.
Faire de l’humour avec ce procès ?
Difficile
surtout avec ces mères en deuil
qui chialent à la barre
la squattent pendant des heures
pour toutes nous raconter la même chose.
On ne comprend même pas tout
ce qu’elles disent…
Et comment je fais,
après,
moi,
pour ma chronique ?
Là, j’ai parlé :
des mères qui pleurent
des pères qui souffrent
de l’absurde trop-plein
de ceux qui écoutent
de l’horreur répétée
banalisée
de ma lâcheté
de mon humanité.
J’ai dit quelque chose.
Vous, rien.
Vous ne pouvez peut-être pas aller
jusqu'à en parler.
N’en déplaise à vos soutiens :
(qui ne voient pas
à quel point vous fîtes le jeu
de la bien-pensance
mais qui vous recommanderont
sans doute
de ne pas faire cas
des dires défaillants
d'un homme aussi endolori)
il n’y avait pas de lieu
ni de moment
pour ce texte.
À n’importe quelle heure
n’importe quel endroit
devant n’importe quel public
il serait resté mauvais.
Pas facile
de chroniquer ce merdier.
On n’y touche pas comme ça,
vous avez vu ?
Savez-vous ce qui ferait plaisir
aux victimes du 14 ?
C’est que ce texte,
vous le refassiez.
L’écrit nous suffirait.
Je me ferais même une joie
un honneur,
de le publier ici.
Ça roule ?
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