Plaidoiries des avocats
(Ghost ghoster’s !)
ça sent la fin de procès.
Voilà même qu’on commence
dans les plaidoiries
à citer Ça passe crème
comme une vieille archive.
Pourvu que la Défense
ne s'y mette pas
sinon
l’on va devoir s’installer
dans une nouvelle ville.
Les anciens,
les professionnels
ont déjà
des têtes d’au revoir.
Les parties civiles,
des têtes de
Et maintenant
que vais-je faire
de tout ce temps ?
"Mais non, n’arrêtez pas !
on va faire quoi,
nous,
après,
putain ?"
Dans ces plaidoiries
nous revoyons
sous nos paupières
redéfiler en cinq secondes
tout notre procès.
Vendredi 25 novembre
celles du matin
s’intitulent :
L’Enfant victime blessé
Les familles dynamitées
La solitude
Les victimes psychologiques.
On nous rappelle
moult témoignages
de parties civiles.
Voilà qui me fait penser
que je les avais oubliés dans un coin
du dossier Chroniques en projet.
Qui ça, les ?
Mais... ILS, tiens !
ILS !
Souvenez-vous de ce policier
qui ne put se porter au secours d'une victime
qui clignait des yeux
pour montrer qu’elle n’était pas morte.
La formation Tuerie de masse est formelle :
son devoir était d’avancer
doucement
arme au poing
vers la porte du camion
entrouverte
afin de repousser
l’attaque de ILS.
ILS :
les nombreux terroristes
qui surgirent du camion
quand il fut immobile
et s’ouvrit à l’arrière.
Avec leurs fusils d'assaut
ILS se mirent
à canarder la foule.
ILS rajoutèrent
des centaines de mort
à l’addition déjà terrible.
Pour échapper
à leurs armes longue-portée
les gens fuirent pieds-nus
jusqu’au Mont-Chauve
ou à la nage
jusqu'à l’Île-Rousse.
Le commando islamiste
cagoulé
ignoble et déterminé
mitraillait
sans distinction d’âge
ni de couleur
ni de sociologie.
À la barre
les parties-civiles
qui réussirent à leur échapper
nous racontent :
elles ne les oublieront jamais.
Elles ne virent pas leur visage
ni leurs kalachnikov
mais elles eurent si peur
qu’ILS restent dans leur mémoire
à jamais gravés
dans les rêves
de tous leurs sommeils.
Camille eut si peur d’ILS,
qu’elle mit sa fille
devant elle
pour que la petite
meure en premier.
Elle ne pouvait pas
la laisser seule
sur la plage
pieds nus dans les galets
traquée par ILS.
(D’avoir un jour trouvé un ver
dans sa pomme
dit Julia,
c’est le deuxième pire souvenir de sa vie
après l’attentat.)
Sandrine a été poursuivie
par ILS.
ILS tiraient sur tout ce qui bouge.
Elle raconte en détail.
(Pour un rescapé
du 14 juillet 2016
chaque seconde de réalité
nécessite trois minutes de description.)
Sandrine ne sait pas trop
pourquoi elle a sauté sur la plage.
Quelqu’un a crié camion !
Elle n’a rien vu
mais suivi le mouvement.
Ensuite, après avoir compris,
elle a cherché
comme tous les autres
à se cacher
pour échapper à ILS.
Car ILS descendraient sur la plage.
Dès qu’ILS en auraient fini en haut.
ILS voulaient tuer tout le monde.
Aucun survivant !
Restons ici.
Ne bougeons pas.
ILS arrivent.
ILS vont nous trouver.
Plus un bruit…
ILS semblent partis.
Ou non ?
Et si… ILS faisaient semblant ?
S’ ILS étaient juste là ?
ILS vont nous tuer, tous.
Nous sommes foutus.
SMS, je vous aime.
Allez, on tente :
remonter sur la Prom.
Doucement,
l’escalier.
Ça va, venez.
ILS sont partis.
Ohé ! Pompiers !
"Oui Monsieur le Président
quand je suis remontée
j'ai été si soulagée :
ILS n'étaient plus là."
ILS n’étaient plus là,
en effet,
ILS s’étaient séparés.
Certains étaient allés
dans le vieux Nice
lancer des grenades.
D’autres rue Jean-Médecin
d’autres dirigèrent leurs pas
vers Rauba Capeù.
ILS prirent des otages
dans un restaurant
de la place Massena.
Moi-même
et Petite-sœur
les avons entraperçus
tandis que nous approchions
de la Prom’.
De pauvres gens
nous arrivèrent à contresens,
plongèrent derrière les poubelles.
Ils essayaient d’échapper
à ILS.
Nous avons fait
dare-dare
demi-tour
hop dans la voiture
baisse-toi
putain
et Maman et Amie qui sont là-bas
avec ILS.
Mais ILS ne leur firent aucun mal
ni à nous.
Toute cette douleur
qu’ILS ont semée,
ces fractures mentales
ces balles réelles
invisibles
indélébiles.
Et pourtant
tout comme l’auteur des faits
ILS ne sont pas dans le box.
ILS sont les autres
grands absents
de ce procès.
"Toute cette douleur
qu’ILS ont semée,
ces fractures mentales
ces balles réelles
invisibles
indélébiles.
Et pourtant
tout comme l’auteur des faits
ILS ne sont pas dans le box.
ILS sont les autres
grands absents
de ce procès."
Waouh tout est dit, subtile et tragique, au plus profond de nos entrailles ILS ont tout ravagé...
Ce passage me fait frissonner tellement il résonne en moi, c'est de la dentelle mon Thierry !
Une idée me vient là comme ça, et si NOUS ( à force de partage, bienveillance , amour et humour hein ) reprenions le lead pour petit à petit essayer qu'il n'y ait plus de ILS...
" Imagine all the people living life in peace..."...
Les bras m'en tombent !